Depuis l’accident, l’un des plus meurtriers du pays, survenu il y a dix ans, la réglementation sur les autocars a évolué. À la marge seulement, déplorent les proches des victimes.

Par Klervi Le CozicLe Parisien

Le 23 octobre 2025 à 06h50

Quarante-trois personnes avaient trouvé la mort le 23 octobre 2015 dans la collision entre un camion et un autocar à Puisseguin en Gironde. AFP/Medhi Fedouach

Lorsque le Bureau d’enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) avait rendu son rapport, deux ans après le drame de Puisseguin, dans lequel 43 personnes avaient péri après la collision entre un camion et un autocar, le 23 octobre 2015, le constat état clair. La liste des recommandations révélait l’ampleur des lacunes de la réglementation concernant l’évacuation d’urgence des passagers de bus ou de cars : renforcer la tenue au feu des matériaux utilisés à l’intérieur des véhicules, contrôler la toxicité des gaz qu’ils dégageraient en cas d’incendie, simplifier les dispositifs de désenfumage et d’ouverture des fenêtres de secours pour les rendre manœuvrables instantanément…

« Certaines se trouvaient déjà dans le rapport rendu en 1982, après l’accident de Beaune sur l’A6 (53 morts dont 46 enfants et adolescents âgés de 5 à 14 ans), car rien n’a changé entre-temps », regrette Me Pierre-Marie Pigeanne, l’un des avocats du Collectif des victimes de Puisseguin.

« C’est assez mou »

Après le drame, un groupe de travail informel à l’initiative de la France est créé en 2018 au sein de l’ONU. Composé de plusieurs pays, labos d’essai, constructeurs et équipementiers, il visait à renforcer les règlements internationaux concernant l’évacuation d’urgence des cars et bus. Le rapport de Puisseguin en guise de feuille de route.

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Sept ans après, il a permis d’imposer notamment, aux constructeurs du monde entier, l’indication « des issues de secours, extincteurs, le déclenchement d’une alerte incendie au-delà d’une température de référence, avec activation du système d’extinction, la possibilité, pour le conducteur, de déclencher simultanément l’ouverture de toutes les portes et l’éclairage de secours, et enfin l’amélioration des dispositifs de bris de vitres et notamment leur emplacement, leur visibilité ainsi que leur facilité d’utilisation », énumère le ministère des Transports.

Certaines dispositions sont entrées en vigueur en 2023 pour les nouvelles homologations de véhicules, et en septembre de cette année sur tous les véhicules neufs.

« Une bonne nouvelle, salue Me Pigeanne, mais c’est assez mou. On s’intéresse aux adhésifs mais pas aux matériaux proprement dits comme les fauteuils, par exemple. On y parle d’inflammabilité et non de gaz. Rien non plus sur l’ouverture systématique des trappes. Le reste, c’est de la prévention », commente l’avocat, qui aurait apprécié que le Collectif des victimes de Puisseguin puisse « être associé » à ces réflexions.

« Il faut sortir d’une approche purement économique »

« À chaque accident, on améliore la sécurité, par des choses qu’on n’aurait pas pu imaginer en amont », assure Ingrid Mareschal, directrice générale de la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV). Après Puisseguin, la FNTV avait créé des affiches pour détailler les règles d’évacuation en cas d’accident. Depuis, une loi l’a rendue obligatoire à bord des 66 500 cars publics ou privés du pays. Mais d’autres sujets patinent comme le fameux marteau pic, qu’aucun passager de Puisseguin n’avait utilisé.

« Ils ne servent à rien. Dans certains cars, la loi autorise même à les ranger tous auprès du conducteur », grince Hubert Forgeot. Après 2015, le PDG d’Aguila Technologies conçoit un marteau électronique « capable de briser une vitre en quelques secondes via un simple bouton ». « Ce projet est notre rayon de soleil », sourit Danièle Gauvin, animatrice du Collectif de victimes de Puisseguin.

Le Breakee, déployé déjà dans 1 000 bus aquitains, et testé par le ministre des Transports Philippe Tabarot en personne en septembre, se heurte à l’argument financier des constructeurs et transporteurs. « À 3 000 euros par véhicule, on attend les expertises de l’ONU sur ce marteau », glisse la FNTV, même si, elle le reconnaît, le marteau pic actuel « n’est pas génial en termes de sécurité ».

Hubert Forgeot plaide pour un changement de méthode. « Il faut sortir d’une approche purement économique, et penser en termes de sens si on veut éviter d’autres drames », insiste l’ingénieur.

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